L’hypnose, du chamanisme aux neurosciences
La tradition orale liée aux contes qui guérissent, aux suggestions et à la fascination remonte à l’aube de l’histoire de l’humanité. Sur les cinq continents, les chamans, les druides, les prêtres…. utilisaient, et utilisent toujours, des rituels proches de l’hypnose contemporaine depuis plus de 3000 ans.
Pourtant, l’intérêt de la médecine pour l’hypnose commence vers 1766, avec le Docteur Franz Anton Mesmer, médecin viennois qui invente le terme de « Magnétisme Animal », en pensant qu’il y aurait un fluide qui traverse le corps et conditionne l’état de santé. Pour le Docteur Mesmer, la maladie serait un blocage de la circulation du « fluide animal » et les techniques de magnétisme permettraient alors de lever ce blocage. Le Docteur Mesmer a mené une vie trépidante marquée par son installation à Paris, son succès fulgurant, sa disgrâce, puis le perfectionnement de son art.
Reprenant ses travaux, le Marquis de Puységur découvre la transe somnambulique et l’associe à l’état du sujet dans la pratique du magnétisme. Il donne à l’état entre veille et sommeil du sujet le nom de « somnambulisme magnétique », état permettant une conversation entre le soigné et le soignant. La parole trouve alors une place centrale dans le processus de guérison, ajoutant la notion essentielle de « suggestion ».
La dimension surnaturelle de ces pratiques leur ont valu de vives controverses. Mais progressivement, elles commençaient à trouver une explication scientifique et une utilité médicale, notamment pour gérer la douleur pendant les opérations chirurgicales. Puis avec l’arrivée du chloroforme en 1846, l’intérêt de l’hypnose médicale a décliné.
Pourtant, de nombreux médecins de renoms se sont intéressés à l’hypnose. À Paris en 1885, s’est tenu le Ier Congrès International de l’Hypnotisme International et Thérapeutique réunissant Liébault, Bernheim, Charcot, Janet, Richet, Freud et Babinski, entre autres.
Si l’hypnose est tombé aux oubliettes en France avec l’avènement de la psychanalyse, il a continué à se développer à l’étranger, en Allemagne, en Russie et aux États-Unis.
Docteur Ivan Pavlov, 1er prix Nobel russe, a contribué à démystifier définitivement l’hypnose en la séparant de la pseudo-magie, grâce à son travail porté sur les réflexes conditionnés, l’étude du système nerveux supérieur et la théorie neurophysiologique de l’hypnose.
Aux États-Unis, le psychiatre Milton Erickson révolutionne la pratique de l’hypnose. Atteint de poliomyélite, il est la figure du « guérisseur blessé » qui expérimente sur lui-même l’hypnose thérapeutique.
Faites confiance à votre inconscient. C’est une façon formidable de vivre.
Milton ERICKSON
Son approche repose sur la conviction que le patient possède en lui toutes les ressources pour répondre de manière appropriée aux situations qu’il rencontre. Pour Erickson, l’inconscient n’est pas la menace pulsionnelle des psychanalystes, mais plutôt une source d’énergie nouvelle, inconnue souvent par le sujet lui-même et qu’il s’agira de découvrir et d’en exploiter les ressources, « Un vaste réservoir d’apprentissage ». Milton Erickson met la communication, la façon d’être présent à l’autre et la relation au centre de sa pratique. L’hypnose Ericksonienne est l’approche la plus pratiquée aujourd’hui.
En parallèle à la thérapie par l’hypnose en psychologie, l’hypnose médicale revient « à la mode ». Depuis 2001, un Diplôme Universitaire forme le personnel soignant à l’hypnose médicale, sous l’impulsion du Dr. Benhaeim, à Paris. D’autres CHU ont suivi avec la création d’autres DU, et la réintroduction de l’hypnose dans la gestion de la douleur et dans les actes chirurgicaux. Par exemple, le CHRU de Tours propose depuis 2011 une procédure d’hypno-sédation pour tous les patients en neurochirurgie opérés d’un GBG (gliomes de bas grades) en condition éveillée.
Qu’est-ce-qui rend l’état hypnotique si propice à son utilisation thérapeutique et médicale ?
L’état hypnotique est un état modifié de conscience. Il peut être naturel ou induit volontairement par la personne elle-même ou par un thérapeute. Cet état est caractérisé par l’absorption – dans l’expérience, l’imagination, les métaphores – et par la dissociation – une séparation de composantes habituellement parallèles qui font partie d’une même expérience -.
Des études récentes utilisant notamment l’imagerie cérébrale tentent de comprendre le fonctionnement de l’hypnose : elles ont mis en exergue comment l’état hypnotique module l’état d’activation et de connectivité des neurones dans un vaste réseau de structures cérébrales qui font partie des circuits exécutifs centraux.
Une caractéristique importante de l’état hypnotique, outre l’augmentation de la connectivité entre le Cortex Cingulaire Médian et de nombreuses structures corticales et sous-corticales, est la désactivation du précuneus et du cortex pariétal postérieur.
Le précuneus est un élément important des boucles fronto-pariétales dont l’activité oscillante réverbérante est caractéristique du traitement conscient des informations nerveuses. Cette baisse d’activité relative du précuneus pourrait ainsi permettre une activité cognitive et une modulation des activités cognitives dans les aires préfrontales relativement indépendamment des informations intéro- et extéroceptives.
L’hypnothèse en vigueur est que ceci permettrait d’expliquer, du moins en partie, l’absorption, la dissociation et la diminution de sens critique caractéristiques de l’état hypnotique.
L’intérêt grandissant des neurosciences présage d’un nouvel essor de l’hypnose et il reste encore beaucoup à découvrir sur cette pratique fascinante.